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vendredi 7 janvier 2022

Je rends les clefs de ta maison

 Et voilà, cela fait 1 mois que tu n’es plus là.
 
Nous avons couru pour vider ta maison dans ce délai si court, je rends les clefs aujourd’hui.
Tu as vu, cela a été compliqué pour moi de te les lâcher ses clefs.
Tellement d'énergies déployées en famille, merci pour ce beau travail d'équipe.
D’un côté, une partie de moi en a assez de trier et de mettre en carton tes affaires.
Ces objets sont lourds, trop lourds d’un passé qui nous étouffe.
Chaque objet est un souvenir qui nous poignarde et qui nous rappelle que tu n’es pas là.
Çà m’énerve de devoir effacer toute trace de ta vie dans ta maison.
 
D’un autre côté, c’est difficile de rendre ses clefs, à chaque fois que je rentre, je ne suis pas habituée, j’ai ouvert cette porte des milliers de fois, dans mon esprit, tu seras là à m’attendre avec un café.
Alors rendre cette clef, c’est me défaire de cette douce illusion et cela ne se fait pas sans larmes.
 
Depuis ton départ, mon corps s’est déréglé, mon cœur s’est serré.
Au crématorium, j’ai guidé ton cercueil jusqu’au dernier endroit où il est possible de te suivre.
Quand j’ai dû le lâcher, les larmes que je retenais ont explosé comme une boule de douleur qui s’est extirpée de mes entrailles et depuis une douleur lancinante se promène en moi.
 
Parfois mon cœur ne trouve pas de lumière pour éclairer ces sentiments de colère et de trahison qui me hantent.
Cette colère d’abord contre ton fils parce que je suis certaine que s’il ne t’avait pas fait autant de mal il y a 2 ans, tu n’aurais pas été affaibli de la sorte.
En regardant le diaporama photo que nous avions fait au funérarium, j’ai été frappé de remarquer l’affaiblissement de ton corps depuis son passage éclair dans ta vie.
On ne peut malheureusement pas changer le passé, la chose que je souhaite c’est que nous n’ayons plus de contact avec lui et je pense surtout à ma maman qui est maintenant embarquée dans les démarches administratives liées à la succession. 
Quel fardeau parfois d'être lié administrativement à cause de liens de sang avec quelqu'un de malfaisant.
 
Cette colère aussi contre le personnel de l’hôpital qui nous a harcelé pour te mettre en Ephad et qui nous a monopolisé notre temps en démarches énergivores et inhumaines, tout çà pour rien..
Ce personnel qui nous a mal informé sur ton état et qui ne nous a pas préparé.
Pour les entendre dire qu’il nous avait bousculé et harceler pour que tu quittes l’hôpital parce que « mourir à l’hôpital c’est triste et qu’il aurait mieux valu mourir en Ephad », une honte.
Et ce sentiment de trahison, parce que toutes ces démarches de placement, j’en étais responsable.
Je me sens berné, trompé, abusé, j’ai fait confiance aux professionnels de santé et je me sens trahie.
Aurais-je dû m’accrocher à ma promesse de ne jamais te placer pour que tu puisses mourir dans ta maison au fond de ton lit ?
 
Je suis parfois révoltée, mais que faire pour apprivoiser cette colère et cette incompréhension ?
Insulter, cracher sur ton fils et le donner à manger à Cerbère, injurier une infirmière, bousculer un médecin, mettre une bombe, -et oui en écriture, on peut tout imaginer pour se décharger-, je ne vois rien qui pourrait m’apaiser à part mettre des mots sur ces maux pour ne pas ressasser des conversations imaginaires.

John Joss l'a bien résumé "La tristesse est souvent un sentiment de colère qui refuse d'exister par la haine".
 
En même temps, t’avoir accompagné les derniers jours de ta vie n’a pas été facile.
Personne ne peut regarder une personne qu’elle aime souffrir sans en garder une trace.
Cet hôpital et ses odeurs, te voir t’étouffer, voir ton corps si amaigri avoir des spasmes de douleurs, tenir ta main, te demander de ne pas t’accrocher à la vie, comment ces images pourraient-elles me quitter si facilement ?
 
Mais ce qui me marque le plus, c’est cet immense sentiment de vide.
Un immense vide que seul le temps pourra combler mais qui pour l’instant est là.
Je sais qu’il faudra du temps pour reconstruire une vie sans toi.
Et pourtant, je cherche toujours un signe de toi.
 
J’ai beau savoir que j’ai donné le meilleur de ce que je pouvais donner à cet instant, je ne sais pas quoi faire de tout ce tumulte qui m’anime.

Mais c'est être humain que de vivre et essayer d’apprivoiser toutes ces émotions qui nous bousculent avec une rare intensité.
Je ne me sens pas faible de ressentir ce bouleversement, je crois au contraire qu'il faut être fort pour apprendre à écouter ces émotions, à les accepter et avancer.
Je suis dans une phase de reconstruction qui prendra un certain temps.
Je suis seule sur ce chemin intérieur, je sais que le temps est un allié, que chaque jour j’apprivoiserais cette nouvelle vie même s’il y aura les dates difficiles, ton anniversaire et toutes ces fêtes où on se réunissait chez toi.
Je devrais accepter qu’on ne revienne pas en arrière, que les choses sont telles qu’elles sont et continuer à aimer, imaginer, rire pour que la vie continue car tu seras toujours présent dans mon cœur.
Faire confiance à ma fille, à ma famille, à mes amis, à la vie pour m'apporter de la joie et me montrer le chemin.
Un pas à la fois.
Que sera, sera.



  







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