3 jours après
ta sortie d’hôpital, nous organisons ton retour à domicile car c’est ton
souhait le plus cher : quitter le milieu médical et rentrer chez toi.
Après une
bataille pour l’organiser, nous mettons en place les conditions appropriées qui
te permettrons de pouvoir rester à domicile.
Nous
intégrons de nouveaux besoins qui seront gérés par les aides à domicile et nous
insistons sur la sécurité même s’il est difficile pour toi d’accepter des aménagements
dans ton univers.
Tu souhaites
conserver le maximum d’autonomie et nous t’y encourageons mais dans un cadre
sécurisé.
Dès ta
sortie, nous discutons de la gestion du linge sale, au choix nous nous en
chargeons ou tu continues à faire de petites lessives que tu accroches sur un
étendoir. Terminé le fil à linge installé au plafond que tu dois atteindre en
montant en équilibre sur une chaise.
A ce
moment-là, je pars avec ta parole.
Le lendemain
matin, je reçois un appel me signalant que tu es monté sur ta chaise pour accrocher
ton linge et que « c’est dangereux Madame »…
Bref, grosse
déception mais il faut réagir pour éviter que tu sois en danger.
J’arrive ce matin-là,
je me sens obligée de mettre ma casquette de maman :« Nous
avions discuté du fait qu’il est périlleux d’être en équilibre sur une chaise à
88 ans mais hier tu as pris ce risque.
Je suis
déçue car nous souhaitons te laisser le maximum d’autonomie mais pour cela nous
avons besoin de pouvoir avoir confiance en toi.
Je ne veux pas que tu arrêtes
de faire ta lessive, je veux simplement que tu la fasses dans des conditions
sécurisées en l’accrochant sur un étendoir et pas en en équilibre sur une
chaise.
Ça ne va pas
te faire plaisir mais pour éviter que cette situation ne se reproduise je vais
donc couper le fil à linge »
Tu me
réponds « Oui je sais c’est dangereux… »
Un long
silence s’installe et je coupe ce fil.
Tu es là
assis sur ta chaise, les yeux baissés, comme un enfant qui sait qu’il a fait une
bêtise.
Moi je suis
comme une maman qui punit son enfant alors qu’elle n’en a pas envie, qui le
fait « pour son bien ».
Ma gorge se
noue, je mesure qu’il est difficile de faire le bon choix « pour le bien »
des autres.
A cet
instant, je sais ce qui se joue en toi. Je te prive de faire quelquechose, je
change tes habitudes, tu as l’impression que ton autonomie diminue un peu plus,
tu te sens rabaissé, diminué.
Agir « Pour
le bien » des autres, c’est penser qu’ils ne sont pas en capacité de
prendre les bonnes décisions pour eux-mêmes et la frontière est difficile entre
intrusion et protection. Ce rôle d’aidant est une source de réflexion, je recherche
encore la meilleure posture à adopter.
Mais je
reste convaincue que la sécurité est importante, que tu ne peux pas continuer à
te mettre en danger juste parce que « tu as toujours fais comme çà ».
Aujourd’hui,
tu as besoin d’être entouré au quotidien, je suis certaine que cela peut te
permettre de conserver le maximum d’autonomie tout en s’adaptant à tes besoins.
Je suis là
dans cet objectif, convaincue que l’amour, la discussion et la confiance seront
les clefs d’un bon accompagnement.
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